Le sport et ses infrastructures sportives : les défis de la durabilité

Durant l’été 2022, la Municipalité de Morges a décidé de ne plus chauffer la piscine extérieure. À Sierre, l’ouverture de la patinoire a été retardée, la production de froid étant jugée excessive. En France, la ministre des sports a annoncé ne pas exclure l’interdiction de la tenue de matchs de football professionnel en soirée afin de limiter l’usage de l’éclairage des stades. De nombreux terrains de football n’étaient plus arrosés et certains matchs amateurs et professionnels ont été annulés en raison de l’état des pelouses. Le monde du sport, comme bien d’autres domaines, doit relever les défis posés par les changements climatiques et la crise énergétique que nous traversons.

La nécessité de mettre en place des arbitrages

Cette crise est une opportunité de passer de la théorie à la pratique. Au niveau international, si le CIO ou la FIFA ont intégré, au moins en théorie, depuis longtemps la notion de durabilité dans leurs documents stratégiques, force est de constater que des progrès restent largement possibles dans les faits, notamment dans le choix des régions et sites hôtes, ainsi que pour une gestion plus durable des événements et des équipements sportifs construits pour l’occasion.

Au niveau national et local, l’essentiel des dépenses dans le sport étant consacré à la construction et à l’exploitation des équipements sportifs, c’est dans ce domaine que les progrès sont à rechercher en priorité. La demande sportive est en croissance, et dans le même temps l’offre d’équipements sportifs est vieillissante, énergivore et insuffisante. Des arbitrages vont devoir être effectués par les autorités politiques. Mais sur quels critères vont-elles se baser ?

L’une des plus grandes difficultés sera de nous accorder sur ce qui est indispensable de maintenir, de construire, de rénover ou de supprimer. Une piscine ou une halle omnisport chauffée, une patinoire pour chaque club professionnel, 10 terrains de football pour 3 clubs différents dans la même ville, une nouvelle salle pour 50 licencié·es : est-ce indispensable par habitude, croyance ou par nécessité ?

Pour aider à répondre à cette question, il semble utile de rappeler que la durabilité, souvent confondue avec l’écologie, repose sur trois piliers : la durabilité financière et économique, l’équilibre social, et la responsabilité environnementale. Si la pratique sportive a un impact environnemental indiscutable, elle est également un atout pour le développement économique et social des territoires. En ce sens, l’enjeu est de définir des critères permettant de mesurer la notion de nécessité d’un équipement au regard des crises écologiques et énergétiques, des enjeux économiques et des apports sociaux du sport sur nos territoires.

Une indispensable nouvelle méthodologie de planification et de conception des infrastructures sportives

Pour ce faire, une nouvelle méthodologie de planification et de conception des équipements sportifs est indispensable, d’autant plus que ces derniers peuvent impacter un territoire, ses acteurs et leurs finances, sur plus de 30 ans.

Les recherches menées actuellement à l’Institut des Sciences du Sport de Université de Lausanne montrent que la planification et la construction d’équipements sportifs doivent aujourd’hui être micro-localisées. Ces phases décisives doivent tenir compte des objectifs transparents des parties prenantes, de l’offre existante, des attentes de la population locale et des besoins des utilisateurs·trices. Ces équipements doivent être exemplaires par leur modularité et leur capacité à intégrer les normes les plus avancées en matière d’efficience énergétique, en s’inspirant des bonnes pratiques en Suisse ou à l’étranger. Enfin, les études sur les modèles de gouvernance et d’exploitation, en amont des constructions, doivent devenir la norme et doivent être rendues obligatoires. Plusieurs recherches montrent en effet les effets néfastes de leur absence sur de nombreux projets d’équipements. Des problématiques économiques, sportives et énergétiques qui se révèlent incurables et qui impactent l’équipement sur toute sa durée de vie. Sans surestimer son importance, le sport a une pierre à apporter à la construction d’un monde durable, mais il faudra s’en donner les moyens politiques, administratifs et financiers, pour construire moins et mieux.

Par Olivier Mutter et Jérémy Moulard